mercredi 10 avril 2013

XiDi - Une après-midi avec Keynes et Mao

Dans les rues de XiDi - XiDi Street

Au creux d'une petite vallée, à une heure de route au nord-ouest de TunXi, au milieu des champs de théiers qui couvrent les flancs des collines alentour, on trouve XiDi. Repris au catalogue UNESCO comme village ancien et remarquable, le petit bourg sort doucement de la longue léthargie qu'il connaissait depuis la fin de la dynastie Qing.

Comme dans les autres endroits que nous avons déjà traversés, les autorités régionales investissent pour valoriser ces trésors anciens. Dans quelques mois la route caillouteuse empruntée par le bus laissera sa place à un ruban d'asphalte bien lisse et le voyage qui prenait une heure se ferra en trente minutes. C'est que depuis la dernière déclaration quinquennale sur les perspectives de la politique chinoise, Hu JinTao, le prédécesseur de Xi JinPing, et le comité central ont mis dans leurs objectifs la nécessité de redistribuer vers les provinces les fruits de la croissance économique des grandes villes et des zones industrielles.


La position du gouvernement central répond en cela à deux préoccupations essentielles pour le futur du pays. D'une part, la crainte d'une économie trop dépendante des exportations et donc des conditions économiques extérieures. D'autre part, augmenter le pouvoir d'achat de plus d'un milliard de consommateurs comme garantie pour maintenir un taux de croissance élevé. Pour cela BeiJing souhaite voir le développement de sa propre classe moyenne dans le cadre de son marché intérieur, en tentant parallèlement de garder le contrôle sur l'évolution de l'augmentation des importations de biens de consommation et de produits finis à hautes valeur ajoutée.
Bref, aujourd'hui avec le développement du tourisme intérieur, on assiste à des investissements conséquents dans les infrastructures et les services autour des pôles touristiques chinois. Cela permet d'autre part au gouvernement chinois de concrétiser une part des formidables réserves de crédit accumulées durant les deux dernières décennies avec le rachat des dettes US et européennes.
Résultat : les grandes mutations économiques qu'ont connues BeiJing, ShangHai ou ShenZhen dans les années nonante vont maintenant s'étendre vers les provinces et les villes à intérêt touristique prononcé. La Chine, de ces dernières années, pratique une politique de grands travaux de type keynésienne et de déficit spending.

Pour les lectrices et lecteurs qui n’ont pas renoncé après ce gros paragraphe sur de politique économique chinoise, revenons à la visite de XiDi.


Intérieur traditionnel d'une maison AnHui dans le village de XiDi
C'est un tout petit village fortifié de quelques rues. Il est baigné depuis le Nord-Est par un petit cours d'eau formant une sorte de douve qui court le long du mur aveugle entourant le village. Un lac au Sud-Est présente ses berges devant l'ancienne entrée, ses écuries, la maison du prévôt et son guet. C'est qu'il fut un temps, assez lointain, où XiDi était une riche bourgade commerçante habitée par plusieurs familles de lettrés. Les familles aisées de cette époque ont construit de grandes maisons caractéristiques avec leurs murs extérieurs blancs et leurs balcons au premier étage présentant des boiseries finement sculptées.

Intérieur traditionnel d'une maison AnHui dans le village de XiDi

Aujourd'hui, les étudiants d'une académie d'art ont envahi les rues. Partout, ils se sont installés avec leurs chevalets et leurs peintures. Il y en a même un planqué sous un pont. L'ambiance est sympathique et aimable, j'ai un peu l’impression de retourner moi-même à mes cours de dessin de quand je n'avais pas encore vingt ans. Concentrés sur leurs sujets, regroupés en petites grappe de jeunes, le silence règne parmi les artistes en herbe.

Découverte d'un moment ordinaire de détente, sur la petite place centrale au milieu du village. Une entrée discrète ouvre sur un large dépôt couvert, petit hangar, où pêle-mêle s'entassent des restes de banderole, de panneaux peints, des boites en carton diverses. Là, une dizaine de jeunes gens carambolent des billes sur quelques-unes des huit tables installées. Ici et un peu partout en Chine, on joue beaucoup au billard comme pour faire mentir la caricature du chinois jouant au ping-pong.

XiDi n'est pas qu'une attraction touristique : le village est toujours habité. Les plus chanceux ou les plus perspicaces ont déjà aménagé des boutiques de souvenirs dans leur rez-de-chaussée. Dans le pavillon qui accueille les visiteurs et qui vend les tickets d'entrée, un panneau attire l'attention. En Chinois traditionnel, en écriture simplifiée et en Anglais, le panneau nous signal que nous ne pouvons pas prendre de photos à l'intérieur des habitations, sauf lorsque celles-ci font partie des maisons visitables, identifiées par un pictogramme spécifique à leur l'entrée.


 Paradoxe, les touristes recherchent à XiDi les vestiges authentiques d'une Chine médiévale, alors qu'en même temps leur frénésie est à l'inverse de la nostalgie à laquelle ils aspirent. C'est tout le difficile exercice d'équilibre qu'impose le développement du touriste au plus profond des campagnes. Durant l'été, le village accueille des milliers de touristes. En ce mois de novembre, si les touristes se font plus rares, ils sont remplacés par des classes d'étudiants. Le calme et la torpeur qui étreignaient le petit bourg il y a quelques années sont maintenant déjà bien loin. En brisant l'isolement protecteur du village, celui-ci s'ouvre au tourisme et voit un rapide développement de sa vie économique, mais au risque de perdre son âme.




Toutes les photos de XiDi sont visible dans la galerie : http://goo.gl/K9WTA


Prochain épisode, XiaMen en face de TaiWan...

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