lundi 11 mars 2013

TunXi - Mutation Urbanistique, Etape Gastronomique


Le HuangShan, la montagne jaune, une des sept montagnes sacrées de Chine nous tend les bras. Mais avant de se lancer dans les escaliers escarpés arpentant les arrêtes rocheuses de la montagne, une pose s'impose dans la petite ville de TunXi. Petite cité étape, son nom se confond souvent avec celui de la région, au point que beaucoup l'appelle HuangShanCi : la ville du HuangShan. C'est la porte d'entrée pour toute la région avec son petit aéroport, une gare de train et une gare de bus longue distance.

Traversée par la large rivière Xin'An, TunXi propose un petit quartier historique qui se résume à une longue rue ancienne coupée par quelques rues perpendiculaires. Une promenade aménagée le long de la rivière permet de voir sur l'autre rive les immeubles des nouveaux quartiers. Le centre-ville est impersonnel et sans charmes particuliers. La pression immobilière se fait sentir sur les quartiers plus anciens. On construit à tour de bras pour la classe moyenne émergente. Une rue remise à niveau sert de ligne de démarcation provisoire avec les façades blanches fraîchement bâties des nouveaux immeubles résidentiels. Le long des rues anciennes, les portes fermées et les avis d'expulsion ne laissent planer aucun doute. Les chantiers annoncent de profonds changements dans la composition socio-économique des ménages qui vont s'installer à la réception des travaux. Trop pauvres, ceux qui ont habité ici depuis toujours se voient contraints, pour le meilleur ou pour le pire, de faire leurs valises pour déménager vers les nouveaux quartiers de l'autre rive.



Pour le meilleur : les anciens quartiers étaient largement insalubres. Les nouvelles constructions offrent le confort moderne, l'électricité, l'eau courante et l'eau chaude. Luxe suprême, on trouve même des toilettes assises. Le désir d’accéder à ces commodités est indéniable.
Pour le pire : les nouveaux quartiers sont impersonnels. Les rues grouillantes de vie avec leurs cortèges de commerçants ambulants font place à des supermarchés. Dans les tours, les habitants se replient sur leur intérieur. Les appartements superposés proposent souvent des surfaces identiques, seuls les aménagements intérieurs diffèrent.



C'est évidemment le même débat que celui que nous avons connu au tournant des années cinquante et soixante avec l'érection des premiers quartiers HLM en France ou avec leur équivalent belge. Il reste à espérer que les quartiers reconstruits s'intègrent et respectent les caractères culturel et patrimonial et l'ancienne ville. Mais, quand on voit les quartiers déjà rebâtis, rien n'est moins sûr. Comme souvent, la « modernité » et le « progrès » n'ont que faire des vieilles pierres.

En attendant, Il est midi sur la 500-year-old Ancient Street, LaoJie. La rue piétonne est désertée par les chalands. Aux portes des boutiques, le personnel sort son casse-croûte. Deux jeunes filles ont réquisitionné un tronçon de la rue pour y échanger quelques volants de badminton. La patronne d'un commerce voisin s'amuse de la scène. Sous le soleil d'octobre, l'atmosphère détendue est à la récréation. Suspendue dans le temps, la pause du déjeuner ne dure qu'un moment.
A quatorze heures les cuisines vont fermer jusqu'au service du soir. À l'étage d'un petit restaurant avec vue sur la rue, on peut découvrir deux spécialités de la région. D’une part, les œufs marinés au soja dont on fend les coquilles avant de les faire mariner pendant plusieurs jours dans de la sauce soja, puis que l’on cuit dur, c'est très bon. C’est une version soft des œufs de cent ans. D’autre part, Les fried DimSun, des bouchées cuites à la vapeur puis sautées à l'huile, un régal.

Mais le sommet pour les DimSun frits c'est le Gāotāng Húntūn, une minuscule gargote hors d'âge située au détour d'une étroite ruelle en face du 120 de la LaoJiè. Trois tabourets et un réchaud devant la façade indiquent qu'on peut manger ici. Une salle unique accueille la cuisine, la caisse et trois tables de quatre personnes. Rien ne peut vous donner envie d'aller manger là, si ce n'est l'expérience d'autres qui vous y auront précédé. Pourtant, passé un moment d'hésitation, l'endroit se révèle un délice de subtilité. Pas de problème de choix pour le menu, bien qu'il y ait une traduction en PinYin, la carte si petite permet de la commander dans son entièreté. Michelle Yeoh et Chow Yun-Fat pourraient entrer à l'instant dans leur costume de Crouching Tiger, Hidden Dragon que l'on trouverait cela normal.


Le long de la LaoJié il est facile de passer du petit boui-boui à des restaurants de plus haut standing. Il ne faut pas rater le Mei Shi Ren Jia, grand restaurant découpé en triplex. À l'entrée, on reçoit une plaque avec un numéro de table, un petit carnet et un crayon. La grande salle du rez-de-chaussée est desservie par quatre escaliers : deux conduisent à la salle supérieure, deux autre descendent vers les cuisines et un formidable comptoir où l'on va choisir ses plats. Tous les ingrédients des plats qui seront servis sont présentés devant nous. À l'aide du crayon et du carnet, on reporte les numéros correspondants aux mets choisis. Nous sommes trois ce soir, nous ne nous en sortirons pas avec moins de dix plats. Poisson séché et fumé, viande grillée, riz noir, potage, porc aigre-doux, bœuf laqué, des nouilles, un légume vert pour faire passer et les incontournables DimSun frits, deux fois, on remet le carnet et la plaque avec notre numéro de table à une hôtesse. Nous sommes installés dans la salle du premier étage. À proximité deux Anglaises détaillent chacune leur plat, pendant que les serveuses défilent, apportant sans cesse la suite de notre commande. Bientôt notre table déborde, il faut desservir les premiers plats finis et les bouteilles de bière vides pour faire de la place. Mais le comble, le plus jouissif, c'est quand la cheffe de rang a refusé les protestations des deux jeunes anglaises face à nos cigarettes. C'est qu’en Chine, pays civilisé, on peut encore finir son repas par une bonne petite cigarette, n'en déplaise aux grincheux de toutes espèces. Pourtant, il faut reconnaître que cet acte de civilité tend à reculer là où les touristes trop nombreux viennent avec leurs manies d'Occidentaux. Enfin, avec un choix de plusieurs dizaines de plats, il y a moyen de commencer à se faire une idée de la richesse de la cuisine de la région AnHui. « On ne regrette pas sa soirée. »


TunXi s'égare parfois dans sa recherche de modernité et d'une certaine vitalité économique. Petite cité étape, dont le futur économique dépend directement de l'évolution du tourisme sur la montagne. Les Chinois ou Occidentaux qui passent par ici n'y restent souvent pas plus d'une nuit avant d'entamer l’ascension du mont. En l'état, le quartier historique et culturel est trop petit pour fixer les visiteurs de passage. Mais néanmoins, l'endroit n'est pas dépourvu de charme, si l'on accepte de prendre un peu temps pour l'explorer. Des villages anciens sont accessibles à moins d'une heure de car. TunXi peut être un point central à partir duquel de belles excursions peuvent être menées, comme à XiDi par exemple.







Visitez aussi l'album complet sur TunXi : https://plus.google.com/photos/101460525071841597040/albums/5853872971741638145?authkey=CIrV1_zBhfOm5QE



Prochain billet : l’ascension de la montagne, entre tourisme et pèlerinage





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