samedi 12 janvier 2013

SuZhou - Un jour et une nuit

RuiGuang tower dans PanMen garden



Nouvelle gare de SuZhou


100 km de ShangHai, moins d'une heure de TGV plus tard, voilà SuZhou. C'est encore une ville, mais c'est déjà la périphérie de ShangHai. Ancienne ville médiévale, aujourd'hui, ce n'est plus qu'un bourg de banlieue, une cité-dortoir et un lieu de sorties pour les fins de semaine et les week-ends prolongés.

A SuZhou, on y marche beaucoup surtout quand on refuse de prendre un bus ou un taxi. Il y a de jolis jardins, des hôtels improbables,quelques bars, des restaurants ouïghours au chic chinois et d’autres plus austères.
La ville n'est pas désagréable, mais on est heureux de la quitter.

Un centre urbain paralysé par la circulation présente sa “modernité” autour du vieux quartier. Plus loin, de larges avenues s'étirent pour rejoindre, là-bas, les nouveaux quartiers-dortoirs. Pour une ville ancienne comme SuZhou son absorption par le grand ShangHai a pour conséquence de déplacer le centre gravitationnel. La ville devient une coquille vide, collage de quartiers-dortoirs, de zones industrieuses et d'un centre-ville, tous tourné vers le nouveau centre. On dort à SuZhou, mais on travaille à ShangHai. Les entreprises produisent à destination de la mégalopole. Le centre accueille les shanghaïens qui viennent se détendre et faire la fête dans la vieille ville.
La ville peut-être un peu endormie y a gagné une nouvelle vie économique, partout les chantiers se multiplient pour adapter l'espace aux nouvelles exigences urbanistiques. Pourtant, l'ancienne ville Han présente toujours son plan carré caractéristique. Au fil des développements urbains, un large damier s’est mis en place qui délimite des quartiers et des fonctions spécifiques. Les multiples mutations et transformations tout au long de l'Histoire jusqu'à aujourd'hui s'intègrent dans ce damier ancien.


C'est encore le matin, mais le Soleil est déjà haut sur cette ville de plaine. Il fait chaud et poussiéreux sur les grandes avenues, les chantiers n'y sont pas pour rien. Dans le centre historique il n'y a point de salut, il faut marcher, la circulation est si dense que bus ou taxis ne sont d'aucun secours.

Sur les bords du WaiChengHe le soir


Le Tout-ShangHai qui en a les moyens s'y retrouve donc dès la fin de la semaine. C'est tellement vrai qu'il est impossible de circuler dans le vieux quartier, il est même difficile de trouver des chambres d'hôtel sans réservation le week-end venu. Nous allons donc partager deux chambres dans un « business hostel »... Une catégorie particulière d'hôtel, le « business Hostel » pourrait être décrit comme un hébergement « Formule 1 » pour les businessmen surtout chinois. Situés en plein centre-ville ou à proximité des gares, ces hôtels offrent l'indéniable avantage d'être bon marché. Ces établissements vont du plus glauque à confortable, sans charme, mais propre. On y trouve tous les services que l'on peut attendre, massage en chambre, une pute pour la nuit. Première chose à faire, ne pas oublier de débrancher le téléphone, si l'on ne souhaite pas avoir de sollicitations nocturnes pour vous vendre on ne sait quoi ou plus prosaïquement quelques services hasardeux en chambre. Ce n'est pas tant qu'il y a dire sur le respectable plus vieux métier du monde en Chine. Mais rien n'est plus pénible qu'un coup de fil à deux heures du matin pour savoir si vous souhaitez qu'une, plus ou moins jeune, plus ou moins belle, praticienne vienne vous décoincer une vertèbre ou simplement vous tenir chaud.

Soit les bagages déposés, bientôt midi et notre ami tient à maximiser notre court séjour. Il est grand temps de prendre ses pieds pour visiter quelques-uns parmi les plus beaux jardins de Chine. Accessoirement, il est temps de manger aussi. Après tout, découvrir une ville à pied n'est-il pas le meilleur moyen de ressentir celle-ci le plus sensiblement ? À cela je réponds « oui » bien volontiers, mais pas le ventre vide, point important s'il en est. Au bord de l'inanition, mon humeur accuse son déficit de sucre et d'eau. C'est donc avec insistance que je le rappelle au stakhanov de la visite en course à pied qui nous sert aimablement de guide.

Mur d'enceinte du ChongShengCi

Nous entrons finalement dans une de ces improbables cantines au décor austère qui n'est pas sans rappeler quelques belles heures de la révolution culturelle, derniers endroits où l'on trouve encore, en toute simplicité, les plus grands trésors des arts culinaires de l'empire du Milieu. L'entrée se fait par une sombre percée dans un long mur aveugle. Seules deux femmes bavardant sur le perron avec leur maître de cuisine fumant sa cigarette nous signalent qu'ici on mange. Vêtu du tablier et du calot réglementaires pour le personnel des restaurants, même si ceux-ci ont oublié qu'il ont été blancs, ce n'est pas sans fierté que l'on nous accueille. C'est d'ailleurs plutôt bon signe, les uniformes élimés nous renseignent en un coup d’œil sur la qualité de la maison. Visiblement ici aucun ornement décoratif n'est nécessaire pour assurer la pérennité du lieu. On vient pour la qualité de la cuisine et non pour le spectacle ou pour la vue. De toute manière, de vue, il n'y en a pas. Passé l'entrée, on pénètre dans une vaste salle sans fenêtre, éclairée par quelques néons hors d'âge. Les murs carrelés qui ont peut-être été blancs un jour sont jaune-orangé tirant sur le brun. Le sol est d'aspect douteux, des chandelles de poussière un peu grasse se sont accrochées aux ventilateurs du plafond. Nous prenons place autour d'une grande table ronde couverte de sa nappe blanche protégée par une feuille de plastique léger qui se colle à nous sous l'effet de l'électricité statique. Au fond, faisant presque toute la largeur de la salle, on trouve un long comptoir vitré qui nous sépare des cuisines sans rien nous en cacher. Au coup de feu, lorsque la salle est pleine, les clients viennent ici prendre leurs commandes en présentant leur ticket qu'ils auront préalablement réglé à la caisse à l'entrée.
Enfin, on trouve encore au mur plusieurs grandes photos dont les couleurs et le contraste sont passés depuis longtemps. On y reconnaît péniblement notre maître queux, plus jeune, posant dans une scène d'école. Sur une autre image, nous le retrouvons cette fois-ci aux côtés d'un jeune homme et d'une jeune femme habillée d'un kimono de ville coupé à la japonaise. C'est avec un plaisir non dissimulé que l'on nous explique que le cuisinier de la cantine est un maître dans sa spécialité, les pâtes roulées et coupées à la main. Il a même été invité au Japon pour y donner des cours de cuisine. Ce qui veut tout dire...

Il n'y a donc pas à hésiter, ce midi, petit bonheur ordinaire,ce sera soupe aux nouilles. Les grosses nouilles nageant dans le bouillon sont une merveille. Un plat de crabe d'eau douce en accompagnement. Le repas est un régal. Pour la cuisine chinoise, il ne faut jamais rien se refuser. Manger les crabes avec des baguettes, c'est une blague... Non, c'est comme le poulet en France, ça se mange avec les doigts. Les carapaces molles sont ouvertes en deux, les baguettes saisissent la chair tendre et goûteuse. Après avoir démembré les bestioles, on peut sucer à l'envi les pattes et les pinces pour en extraire toute la substance. C'est jouissif, c'est bon et roboratif, on va bien tenir jusqu'au repas du soir.

PanMen garden

Tout amateur de course à pied qu'il est, le ventre plein de notre ami qui nous guide vers les jardins de SuZhou l'oblige à ralentir. Si à ShangHai, les canaux du delta du YangZi Jiang sont perdus, cachés, masqués au regard par l'hyper urbanisation ; à SuZhou de nombreux canaux sont encore bien présents parallèles aux avenues, traversés de petits ponts, perpendiculaires, coupés par de plus larges langues de béton. L'eau joue de tout temps un rôle important dans la vie de la ville. Le courant étant trop lent pour emporter les larves, dès le début de l'été des nuées de moustiques envahissent la campagne et la ville. Mais aux plus fortes chaleurs d'août, cette malédiction est une bénédiction apportant un peu de fraîcheur dans la cité poussiéreuse. Les riches familles de l'ancien empire l'ont bien compris et leurs jardins sont autant d'hommages à l'eau du YangZi.

Les plus grandes propriétés sont de la taille d'un quartier entier. Ceintes de hauts murs, les riches maisons sont entièrement tournées vers l'intérieur et leurs jardins. Ouvert par une unique porte principale, alors qu'une porte secondaire permettait au maître de traiter ses affaires plus discrètement. On pénètre dans ces jardins comme on entre dans un temple. Tout ici respire la tranquillité et le recueillement. Nous ne serions pas surpris si au détour d'une allée nous croisions un personnage du Jin Ping Mei.

Fausse grotte dans le jardin PanMen

Les jardins traditionnels répondent à un unique cahier des charges, mais avec d'infinies variations. Le jardin est une représentation du monde et le monde c'est la Chine. On doit y trouver des montagnes, des grottes, des rivières, des lacs, des forêts de bambous, des arbres à feuilles caduques et d'autre à feuilles persistantes, plus quelque conifères, sans oublier un désert. Si l'on manque de place, on présentera des PénZāi de substitution. Quelques gros rochers symboliseront les montagnes, voire comme pour nos jardins de la fin du XIXe, une fausse grotte en rocaille. Les grands domaines permettent de répartir la demeure dans différents pavillons savamment placés de ce décor. On ira à la montagne pour rejoindre le petit salon. On prendra ses repas à la forêt de bambous. Pour les résidences plus exiguës, le jardin sera éclaté en autant de cours thématiques entourées par les diverses salles de la demeure. Si nécessaire, il est même possible de faire tenir tout un paysage en pot, c'est le PénJǐng.
En Chine, restons pragmatiques.





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